Nous sommes au début du Siècle des Lumières: le XVIII° siècle sous le Règne de LOUIS XV
Antoine Boduile 1709-1778 est le premier aïeul dont nous pouvons témoigner de sa vie par les écrits en notre possession . Il représente la 6° génération .
Ce n’est ni à Versailles , ni à Fontainebleau…mais au Bourg de Givors au lieu dit La BADOLIERE, territoire de Cran , qu’est donc installée cette famille BOUDHUILE orthographiée aussi BOUDUILLE ou BODUILE .
Givors au début de 1700 compte 1000 habitants . ( En France , il y a 19.000.000 habitants .)
C’est une paroisse du diocèse de Lyon . Elle appartient à messieurs les comtes de Lyon qui sont les Possesseurs du Sol ainsi que les Administrateurs. C’est une paroisse surtout agricole. Tous les habitants sont laboureurs ou vignerons et presque la moitié sont sans “ fonds “ ce sont des “ affaneurs “
Le tiers des lieux est inculte , roches pelées et bois . Les deux autres tiers sont des terrains où l’on cultive l’avoine , le seigle , le froment , le chanvre . Les légumes se trouvent dans les petits jardins près des habitations . Il y a aussi de bons terrains pour la vigne qui commence à être très importante . Et enfin , la prairie .
Givors a une superficie de 1172 arpents , 83 perches . ( environ 495 ha. )
Antoine , fils de Pierre BOUDHUILE, vient au monde le 6 Janvier 1709 .
Or, cet hiver est excessivement froid . La peur de la famine provoquée par les gelées mortelles enchaîne la misère dans la contrée de Givors , et bien sûr dans tous les environs . Notre famille est très attentive sur la conduite à tenir . Heureusement , grâce au Rhône , les mariniers approvisionnent la population en blé et en charbon .
Durant sa petite enfance , Antoine sera heureux de jouer avec son frère Jean qui a juste deux ans de moins que lui . Les deux frères vont perdre leur maman Marguerite Micard en 1714 . Antoine n’a que 5 ans et son petit frère Jean a 3 ans . Leur Père pour assumer le vie de tous les jours leur donne alors une nouvelle mère . Il prend pour épouse Anne Drevon l’année suivante en 1715 . Ainsi , il y aura 4 nouveaux frères et sœurs : Françoise en 1715 , Claudine en 1716 , Claude en 1718 , Jeanne- Marie en 1720 .
La mort est presque familière à cette époque , les enfants meurent souvent à la naissance , les épidémies se succèdent , les femmes meurent en couche , la vie est très courte , Antoine est bien jeune , 6 ans , lorsqu’il apprend la mort du roi Louis XIV .
Antoine perdra sa belle-mère autour de 1722 . Celle-ci sera remplacée l’année suivante par Jeanne Fouillet .
On peut penser que grâce à sa vie en plein air , ( loin de la Provence dont il est peut être issu ! ) , Antoine a 11 ans échappe à la peste de 1720 qui démarre à Marseille . Elle sévira pendant un an , et fera en Provence 120 000 victimes, dont plus de 30 000 pour la seule ville de Marseille .
De même , parce qu’il fait partie des 71 % des hommes qui ne savent pas écrire … Il est loin de s’intéresser
- à la conception de l’échelle de Fahrenheit ,
- à la création de la banque et de la bourse ,
- aux écrits de Montesquieu , de Voltaire , et de Diderot qui s’occupe de l’édition de l’Encyclopédie.
Par contre , durant sa vie il fera l’effort d’apprendre à signer . Si Antoine ne sait pas lire , comme tous les paysans il commence par apposer une croix ( croix du Christ puisque tout est tourné vers la religion ) au bas des documents qui est un signe d‘engagement , de la parole donnée sous serment . Ensuite , il apprend au cours de quelques séances d’hiver auprès du curé , d’abord le « seing » qui est la stratification , sous forme de lettres-bâtons , des caractères composant son nom de famille , puis il apprend l’écriture de son patronyme . Voilà pourquoi tous les documents officiels comme le contrat de mariage de son fils Etienne , son testament … sont signés .
Si , Certain , épouse Marie Leszcynska ou prend pour maîtresse La Pompadour , notre Antoine , séduit par la comédie de Marivaux “Le jeu de l’Amour et du Hasard” se laisse séduire à son tour par Marguerite Bourrin âgée de 21 ans . Cette famille côtoie la nôtre depuis déjà deux générations .
C’est ainsi , que le 10 Janvier 1730 , au son des cloches du village de Givors, est célébré le mariage de Marguerite et d ’ Antoine .
Pour cette cérémonie , Marguerite choisit une robe de couleur unie . Elle hésite entre la couleur rouge , jaune ou bleue . Finalement elle opte pour la bleue plus à la mode : la plus répandue à cette époque .
A la “Badolière” , les nouveaux époux vont cohabiter avec leur famille . En fait , ils vivent dans un “Loft” . Une pièce au rez de chaussée qui sert de cuisine et aussi de chambre . A l’étage une chambre avec plusieurs lits . C’est un univers rempli de l’odeur des prés et des fraises des bois …… mais aussi de celle du tas de fumier qui se trouve dans la cour .
Antoine instruit par son Père continue le travail de la terre , il est paysan laboureur: le froment , le seigle , le chanvre et les légumes sont ses principales récoltes . La vigne représente la culture noble puisqu’elle rapporte plus d’argent .
Antoine devient à son tour vigneron tout comme son frère Jean qui a épousé Benoîte FILLON qui habite Chassagny , village voisin dans lequel sont installées de nombreuses familles de cousins et d’amis .
C’est ainsi qu’à l’occasion du mariage de son frère et de sa belle sœur , Antoine fait la connaissance du bon Curé de Chassagny . Celui ci est réputé pour son dynamisme auprès des villageois . Lors de ses sermons , après avoir prié Dieu , évoqué l’évangile et récité les prières , il instruit ses ouailles de toutes les connaissances qu’il a acquises sur les évènements de la région et même du royaume . Il se révèle un vrai chroniqueur puisque pendant tout le temps de son sacerdoce d’une durée d‘environ quarante ans , chaque année , il complètera le registre paroissial de commentaires personnels sur l’année écoulée . De la qualité de son écriture , on peut en déduire qu’il était très cultivé , curieux , à l’affût des faits divers de son temps .
Notre couple qui suit les préceptes de l’Évangile ( croissez et multipliez ) aura 7 enfants qui naîtront dans leur maison . C’est la sage femme ou « bonne mère » qui les mettra au monde , parfois extirpés sans ménagement , parfois avec les fers . Que le nouveau-né soit fragile ou prématuré , qu’il fasse froid ou une chaleur torride , qu’il pleuve , le bébé langé , ficelé est emporté par le parrain et la marraine en toute hâte à l’église pour être baptisé par le curé .
C’est ainsi que tous ces enfants ont été accueillis dans cette famille dès leurs premiers vagissements :
- Hélène née en 1730 qui décèdera en 1745 .
- Marie née le 28.7.1731 qui épousera François Vernon en 1752 .
- Antoinette née le 10.3. 1733 qui vivra peu d’années .
- Etienne notre ancêtre : 6.7.1735 / 12.02.1785 .
- Jean né en 1738 .
- Jeanne née en 1744 .
- Marie née en 1746 .
- Seuls 2 enfants , Etienne et Marie vivront plus de cinquante ans .
Antoine et Marguerite , fidèles aux traditions , apprennent à leurs enfants la valeur du travail . Ils agrandissent leur domaine qui est constitué maintenant d’une maison de 1/32 ème de bicherée ( 140 mètres environ ) , de petites parcelles de terrains ( coupe d’avoine , terre de vigne , bois ) .
C’est ainsi qu’Etienne et Marie grandissent . Ils connaîtront leur grand père Pierre maintenant détenteur d’une mémoire ancienne qui veillera à leur éducation et leur apprendra , entre autre , la prière du soir .
En 1743 , disparition de Pierre ( cinquième génération , père d’Antoine) .
De leurs champs , la famille assiste à la construction de la première industrie de Givors :
Dès 1749 , La Verrerie Royale de Givors est mise en route en utilisant , pour la première fois en France une nouvelle technique de fusion : le charbon de pierre . Robichon père obtint l’appui de l’Intendant pour bénéficier d’un privilège de 20 années sur un rayon de 10 lieues , avec comme raison sociale Robichon , père et fils et Cie . Plus tard , un beau-frère vint s’installer avec eux : Neuvesel . Les maîtres verriers étaient exempts d’impôts , de taille , de gîte , exemptés de fournir des gens de guerre , des chevaux . Ils pouvaient vendre et transporter toute la production sans payer aucun tribut , ni droits de passage , à l’égal de tous les autres nobles du royaume . La population les considérait comme nobles .
Cette verrerie fermera ses portes début 2003 . Elle aura fonctionné pendant 254 années .
Le 14 novembre 1752 , Antoine marie sa fille Marie âgée de 21 ans . Elle épouse François Vernon Bernier qui est déjà veuf .
C’est la fête ! Elle va durer 3 jours . Cavaliers et cavalières du cortège vont former les futurs couples de demain . Etienne est garçon d’honneur .
En droit , parce que Antoine est locataire perpétuel , il verse chaque année les « cens et lods » ou droits féodaux au seigneur , il doit respecter strictement les conditions du bail , les droits de vente , l’entretien des bâtiments , fidélité et respect au seigneur …
Il possède “la propriété utile” puisqu’il peut vendre ou louer mais non “la propriété directe” .
Ainsi , le 30 octobre 1756 , Antoine régularise ses dettes d’arrérages des années précédentes pour la somme de 4 Livres 16 Sols , chez le Notaire Royal. ( traduc.07wps )
Le 18 décembre 1757 , la famille se prépare au mariage du fils unique , Etienne âgé de 22 ans , héritier , qui prend pour épouse Marie Seve née le 3 Août 1729 , fille de Ennemond Seve et de Pernette Pitiot , laboureur à Givors. Un contrat de mariage est établi chez le notaire royal (traduc.06wps) . Antoine signera ce document par lequel il destine à son fils Etienne , tous ses biens . Pour sa part , Antoine se réserve la jouissance d’un tiers de ses meubles et immeubles et 4 “hommes de vigne” .
Mais ,
Le 24 mars 1758 , journée de deuil : “l’heure des heures” est arrivée pour Marguerite , femme d’Antoine , mère de Etienne et de Marie . Elle a 50 ans . Monsieur le Curé est venu lui apporter les Saints Sacrements . Après force coups de goupillon , elle est inhumée en terre bénite .
Pendant ces dernières années , des musiciens célèbres donnent des concerts :
- Vivaldi et ses 4 saisons .
- Rameau : Castor et Pollux .
- Bach et ses concertos .
- Mozart vient au monde en 1756 .
- Beethoven “ “ 1770 .
Parmi les écrivains de cette époque :
- Rousseau
- Fénelon
- Voltaire
- Montesquieu
- Goethe
Parmi les Peintres :
- Watteau
- Fragonard
- La Tour
Tous , illustrent leur époque par leurs écrits ou leurs peintures qui seront des repères pour les générations futures .
Le 27 novembre 1764 , Antoine se remet à jour partiellement de ses arrérages pour 78 livres et nous trouvons la quittance signée par le notaire royal maître Bavet (traduc.10wps)
Le 30 mai 1776 , Antoine reçoit une assignation le convoquant à 7 heures du matin à la prison royale de Saint Joseph de Lyon , a -t’il encore des impôts non payés (traduc.13wps) ? Refuse t’il des les payer ? A t’il commis une faute ?
Le 4 septembre 1776 , à son domicile , “détenu de maladie corporelle mais néant moins de tous ses feux” . Il fait venir le notaire royal pour dicter son Testament (traduc.14wps). Il est entouré de tous ses amis et parents qui habitent à Givors . Etienne , son fils héritier universel est bien évidemment présent . Sa fille Marie présente , reçoit 100 Livres en héritage .
Sa petite fille Pierrette ( fille d’Etienne ) pour laquelle il a beaucoup d’affection et qui lui a prodigué de “bons et agréables Services” , a la surprise de recevoir un legs particulier de 300 Livres … pour sa majorité , la voilà bien dotée .
Ses amis sont là aussi : Jean Marie Laurençon qui est épicier, Jean Baptiste Charme qui est peigneur de chanvre, Etienne Fouillet , laboureur .
Comme il est “Bon chrétien , il reçoit la Sainte Croix” . L’âme “passant” , pour accéder au Paradis , des prières et douze messes dont six à haute voix vont être dites la première année de sa mort pour l’aider à rentrer dans la vraie et éternelle vie promise par Dieu .
Après une vie bien remplie , l’ordre des choses étant celui de Dieu , Antoine meurt à 69 ans , le 12 Septembre 1778 ! Il aura pris soin de conserver tous les actes de famille . Il utilisera le petit coffre en bois donné par son père qu’il transmet à son tour à son fils Etienne .
Il sera enterré au cimetière de l’Église de Givors auprès de son épouse Marguerite .
La génération d’Antoine représente une belle étape au pays de nos ancêtres ….
Extraits des Chroniques annuelles de la cure de Chassagny
[ L’hiver de mil sept cent soixante et dix a été très long, quoiqu’il naît pas été bien rigoureux ; il avait commencé des le mois d’octobre ; et il a fait froid Jusqu’en mai , puisqu’il a encore gelé le trois dudit mois de may il tomba de la neige a différentes reprises et vers le dix huit onze du mois de mars lorsqu’on se promettait des beaux jours , il en tomba de la neige abondamment (7 ou 8 pouces) qui séjourna puis de trois semaines dans ce païs cy , et beaucoup plus longs dans les montagnes ].
[Au cinq du mois de may il n’y avait encore aucune feuille sur les arbres . Il y eut de la neige sur pilla jusqu’aux vingt cinq du même mois de may , le dix sept de ce mois , il tomba de la grêle qui ne fit aucun mal parce qu’il n’y avait rien d’avancé , Le vingt trois , il en tomba encore qui abattit quelques bourgeons des vignes. La recolte fut Modique en bled et en vin , ce dernier çe vendit vingt et vingt quatre francs aux vendanges . Une partie de la France ne se nourrit que du bled , de barbarie et de Sicile Le vingt neuf de juillet il y eu un Leger tremblement de terre a Lyon ].
[Le mariage de Louis Dauphin de France , fils de feu Louis dauphin Fut célébré a Versailles avec une archiduchesse fille et sœur de l’empereur reignant . Dans le courant du mois de may ].
1771
[Il ny a rien eu de remarquable cette année 1771 . Une princesse de piemont passa a Lyon au commencement du moisde may allant épouser le comte de provence Second fils de feu M. Le Dauphin et petit fils de Louis 14 ].
1772
L’hiver de 1772 ne fut pas violent , cependant le froid continura par intervalle jusqu’au mis d’avril , il tomba encore un peu de neige vers le vingt dudit mois , il gela même un peu le 20 et 24 vers le milieu de mois de may une Bize forte et froide , fit quelque mal aux seigles qui étaient en fleurs . Le temps s’échu au commencement de juin et la chaleur devint bientôt excessive et se soutint jusqueau mois de septembre , depuis le commencement du mois de may jusqu’au 8 ou 10 Septembre il ne tomba presque point de pluie , la Secheresse fut nuisible aux petits grains chanvres et Legumes et fut si grande que une partie des arbres devint jaunes et tomba . Il plut en Septembre et après cette pluye les arbres reverdissent , pousserent des Bourgeons et quelques uns fleurissent .
Grand nombre de terres n’avaient pu être versées cause de la sécheresse , après la pluye on les versa et on sema en même temps . La Recolte du grain fut très médiocre cette anné , Le prix du froment fut de six livres dix a septembre jusqu’au mois de novembre et décembre , alors le prix de 4 francs 10 a six francs , et le seigle qui depuis la recolte s’était vendu cinq francs et cinq et demi , ce donna a quatre livres cinq et 4 livres 79.
La recolte du vin fut abondante avant les vendanges le vin se vendit 16# 18# après les vendanges il se donna a 10 # même a 8 # . Ce vin était de très petite qualité il y en eut qui aigrit dans les cuves il s’en trouve de tourné avant la noël , et quand on le voiturait un peu loin , il se gatoit
1773
[Il ne s’es rien passé de Remarquable cette année 1773 . Le mariage du Comte d’artois avec une princesse de piémont qui passa a Lyon le 8 novembre ] .
Antoine aura connu 2 royautés Louis XIV et Louis XV .